S’il est vrai que l’hiver et les petits bobos de l’âme avaient mis mon niveau d’énergie à plat, il y eut aussi à ce fait une toute autre raison. Une bien plus gaie et positive que beaucoup d’entre vous ont devinée, ou tout au moins soupçonnée.
Nous attendons en effet un heureux événement pour cet été.
Bien que j’en sois déjà bien dans mon 3ème trimestre, j’ai l’impression de ne commencer que maintenant à réaliser ce nouveau cap que nous nous apprenons à franchir. Vu mon état physique et moral dans les premiers mois, j’ai plus subi que vécu cette attente, en ayant l’impression que 40 semaines (éliminons dès à présent la possibilité que ça aille au delà) seraient interminables!

Il est vrai que j’ai eu dès le départ la mauvaise bonne idée de jouer au jeu des comparaisons, ou pire encore, à celui d’anticiper sur les 40 semaines à venir.
Je venais de me séparer d’un boulot qui avait cesser de me convenir, mais j’avais très à cœur de me réorienter vers un projet qui m’occuperait juste le temps qu’il fallait avant que mon bébé n’arrive. Comme ça pas de temps mort, j’enchaînerais les batailles. Il fallait juste que les 3 premiers mois de fatigue et de nausées passent, et puis je pourrais cavaler comme une dingo dans le nouveau job que j’allais me dégoter, et je n’aurais pas de vergetures ou du moins pas avant le 8e mois et que des minimes, et je prendrais 13 kilos tout juste en bouffant tout ce que je veux, et j’aurais la pêche et un teint d’enfer, et pas de masque de grossesse, et un petit nez trop mignon, et ….
Ahem… Non.
La réalité a pris un tour pour le moins différent.
Il y a tout d’abord eu les nausées, les miséreuses dont j’avais oublié l’intensité et l’inconfort, si on en croit mon projet de rentrer pour 2 semaines de festivités et de gourmandises à Abidjan au milieu de mon 2ème mois. Il va sans dire que ce furent deux semaines de repos et de quasi jeûne, hautement perturbées par la chaleur et l’humidité qui accrurent le permanent « mal de mer » comme je le décrivais à mes amies. J’ai toutefois eu la chance de profiter de ma famille et de la sécurité d’être à nouveau « une enfant pourrie gâtée à la maison ».
Ah oui, et de revenir avec une belle collection de robes en pagne qui attendent patiemment de revenir à l’ordre du jour (mais ça, c’est une toute autre histoire! ).
C’était embêtant, mais une fois que je serais à nouveau opérationnelle, ça serait vite oublie, j’en étais sûre. Il fallait juste que je trouve un job parfaitement flexible, un mi temps qui tolèrerait que je sois allongée sur mon bureau pendant les heures de boulot par exemple.
Au final, je n’ai pu me considérer nausées free qu’une fois bien entrée dans le 6e mois.
Entre temps, il y a eu la grosse et pernicieuse anémie, qu’on a découvert à la base de cette fatigue constante, persistante, déstabilisante. Diagnostic qui m’a un peu libérée de la pesante sensation de culpabilité qui m’envahissait lorsque l’Ôm rentrait trouver table vide ou que ma fille réclamait qu’aujourd’hui ce soit maman qui vienne la chercher à la crèche. Même si pendant plusieurs semaines, le sentiment de ne pas faire assez, de ne pas être assez pour ma famille m’avait convaincu que j’étais fautive. Bah oui, si je travaillais et que j’avais une vraie raison d’être fatiguée, cela serait plus compréhensible.
Les foutus ligaments pelviens n’ont pas beaucoup aidé non plus. Certes ils ont eu le charme de me donner une démarche cocasse qui a bien amusé mon entourage, et prouvé ma créativité dans des tâches aussi basiques qu’enfiler un pantalon ou mieux encore, des chaussettes, mais j’aurais pu faire sans cette douleur qui variait du sporadique coup de poignard à la lancinante impression d’écartèlement. Si j’arrivais à encaisser avec un minimum de dignité ces désagréments (se mouvoir très lentement par exemple réduit considérablement la douleur tout en créant une illusion de grâce et de délicatesse) , je n’ai pas en revanche trouvé de formule glamour pour le « rouler dans et hors du lit » et je sais que l’Ôm a plus d’une fois sorti en ricanant » éléphant de Côte d’Ivoire ».
Bien entendu même avec mes réserves de fer remontées, non sans quelques notables désagréments gastriques, il m’a fallu me rendre à l’évidence – le timing n’était pas très favorable – et accepter que mes ardeurs professionnelles devraient être mises de côté pendant quelques temps/mois/années/décennies/siècles (ok j’exagère un peu).
Je l’avoue, la pilule avait un tout petit peu d’amertume, mais c’est passé. C’est non seulement passé, mais je m’en suis sentie curieusement libérée.
Moi qui suis si peu friande de certitudes, je me demande d’ailleurs d’où m’est venu ce besoin d’avoir une ligne de route et de m’y accrocher comme si la vie en dépendait. Peut être parce que travailler, pour la femme, mère et expat asociale que je suis devenue, c’est un peu le dernier endroit où je ne suis « que Cynthia ». Peut être le besoin de me rassurer que cette fois aussi tout ira bien. Peut être parce qu’une fausse certitude semblait tellement plus réconfortante qu’un millier de doutes. Ou les hormones, tout simplement.
Pourtant, s’il est une certitude que je garde, c’est que je vais bien et que je m’apprête à vivre la plus belle (certes douloureuse, ne nous le cachons pas!) expérience au monde pour la deuxième fois.
Les petits battements d’ailes de papillons se sont transformés en véritables uppercuts, les deux derniers survivants de ma musculature abdominale ont disparu dans un joli globe, et mon nombril plus que jamais mène la danse. Ma zénitude retrouvée, je vais donc faire ce que j’aurais dû faire depuis bien longtemps: laisser la Nature faire ce qu’elle fait de mieux et me concentrer sur la « to do list » qui me semble soudain tellement longue!

P.S: Le nez s’en tire assez bien pour le moment, mais pour les 13 kilos, je crois que c’est mort.
P.P.S: Donc bientôt je dirai « mes enfants »… Ça fait quand même tout drôle d’y penser!